Wirtschaftsforum : De plus, vous exploitez également votre propre société de développement de projets.

Raúl Comesaña : Nous développons actuellement principalement dans la région de Berlin-Brandebourg, mais aussi à une moindre échelle sur l'île de Rügen, plus de 660 000 m2 de terrain constructible purement financés par nos fonds propres. Dans ce contexte, nous acquérons des terrains, créons les plans d'urbanisme correspondants, assurons l'aménagement et vendons ensuite les parcelles individuelles pour des maisons unifamiliales ou pour des entrepreneurs sans contrat de construction et sans obligation de construire.

Wirtschaftsforum: En raison de changements réglementaires ainsi qu'à la suite de nouvelles formes de logement, ce marché est actuellement en pleine mutation - comment votre entreprise vit-elle ces changements?

Raúl Comesaña: Ce qui fonctionne bien aujourd'hui peut ne plus être viable demain - nous en sommes pleinement conscients. Car non seulement les procédures d'approbation sont aujourd'hui plus complexes et prennent plus de temps qu'il y a dix ans, mais la nécessité de créer des espaces de vie et d'habitation durables exige probablement de nous une vision encore plus longue qu'avant. Actuellement, par exemple, nous développons une zone de 150 000 m2 avec plus de 160 parcelles, où nous n'installons même plus de conduites de gaz, mais optons pour une infrastructure de chauffage totalement différente. Dans un autre projet de construction dans le Zeuthener Winkel, nous établissons un réseau de chauffage urbain qui fournira de l'énergie aux ménages plus tard. Je suis convaincu que les sujets comme les quartiers autonomes en énergie joueront un rôle encore plus important à l'avenir. Pour nous positionner également comme un partenaire compétent à long terme, nous collaborons, entre autres, avec l'Institut Fraunhofer sur un projet de recherche relatif aux centrales thermiques. Mais nos processus internes sont également fortement affectés par le changement technologique – il est bien possible que l'IA offre des impulsions significatives pour des processus plus efficaces en comptabilité et en élaboration de propositions, ce qui permettra à l'avenir de mobiliser nos employés moins pour des tâches routinières et plus pour les questions réellement complexes.

Wirtschaftsforum: La population en Allemagne vieillit de manière tendancielle. Dans ce contexte, comment évoluent les exigences en matière de logement attrayant?

Raúl Comesaña: Dans le cadre de notre approche de développement très complète, nous nous engageons non seulement dans la construction de logements adaptés aux personnes âgées, mais aussi dans l'exploitation de notre projet ʻPIA – Pflege ist allesʼ, un service de soins qui offre aussi des services de soins de jour et des communautés d'habitation à Berlin-Pankow. En même temps, nous constatons comment les normes et les besoins des personnes âgées évoluent : beaucoup ne souhaitent plus vivre à un âge avancé dans une maison individuelle de 100 m2 sur plus de 1.000 m2 de terrain - maintenir un tel terrain demande en effet beaucoup d'effort et d'énergie. Ainsi, les formes alternatives de logement, comme les communautés de colocation, précédemment plus courantes chez les étudiants, suscitent également un intérêt croissant chez les personnes âgées, parfois même pour de simples raisons de coût, simplement parce que la pension de nombreux seniors est malheureusement insuffisante pour vivre en vieillissant. En outre, les prix élevés rendent la maison individuelle classique avec 800 m2 de terrain, comme c'était jusqu'à présent largement typique ici en Brandebourg, souvent hors de portée. Les terrains deviennent ainsi plus petits, la maison individuelle est de plus en plus considérée comme un objet de location et n'est plus nécessairement utilisée majoritairement comme résidence principale.

Wirtschaftsforum: Après vos études de management à la European Business School, vous avez d'abord travaillé avec d'autres promoteurs avant de décider finalement de reprendre l'entreprise de votre père avec le groupe BBF - combien cette étape a-t-elle été facile pour vous?

Raúl Comesaña: Je connaissais l'entreprise depuis tout petit. Dès l'âge de 14 ans, j'ai commencé à travailler dans les travaux publics, simplement parce qu'il était important pour moi de vivre ce que nos gars accomplissaient chaque jour sur les chantiers - parfois à 30 °C dès 5h30 du matin. Il serait impossible de gérer une telle entreprise depuis une tour d'ivoire ! Pourtant, des années plus tard, prendre la responsabilité de l'avenir du groupe BBF et de tous ses employés n’a pas été une décision facile. Mon père a dit un jour : Une entreprise est comme un poulpe, car elle s'infiltre dans chaque recoin de ta vie. En tant qu'entrepreneur, on est constamment sous pression, et moi-même, en allant au travail le matin, je me demandais comment nous allions surmonter les énormes défis de la journée. Bien sûr, il était important pour moi d'honorer ce que mon père avait construit en 30 ans et de le diriger dans l’avenir dans son esprit. Mais je ressens aussi très clairement une responsabilité sociale à laquelle je veux faire face.

Wirtschaftsforum: En quoi vous sentez-vous précisément responsable ?

Raúl Comesaña: Mon père est originaire d'Espagne, ma mère de Königs Wusterhausen, je suis né à Berlin, et j'apprécie beaucoup ce que nous avons en Allemagne - un État de droit bien fonctionnant avec une forte notion de solidarité. C'est pourquoi certaines discussions actuelles dans notre pays me rendent très triste. Le fondement pour la pérennité d'une Allemagne économiquement et socialement saine repose à mon avis clairement sur les entreprises, qui assurent notre prospérité sur la base d'un cadre de valeurs durable. Cela implique toutefois une grande responsabilité pour les entrepreneurs : il nous revient d'offrir un avenir sûr à nos employés, de garantir des recettes fiscales stables et de mettre en place des innovations importantes, afin que nous restions compétitifs demain.

Wirtschaftsforum: Une responsabilité que de moins en moins de jeunes semblent vouloir assumer.

Raúl Comesaña: Je pense que de nombreux jeunes entrepreneurs se concentrent sur les startups et veulent souvent réinventer la roue. C'est légitime - mais à mon avis, il existe dans les PME de nombreuses entreprises établies et prospères qui promettent un énorme potentiel de succès. Mon expérience m'enseigne que l’on peut bien construire sur l’existant tout en faisant avancer les innovations importantes pour aussi personnaliser l’entreprise : il y a peu de choses plus belles que d'inspirer les autres à poursuivre ensemble une vision passionnante !